Dans le cadre d’une étude complète du tableau nous proposons un résumé de nos découvertes autour de ce tableau qui offrait, jusqu’ici,  peu ou pas d’information.
DESCRIPTION ET HISTOIRE DE L’OEUVRE
Cette commande intervient donc peu de temps après son séjour de 4 ans à la Villa Médicis (second grand prix de Rome en 1856).
À Paris, Delaunay modifia profondément sa Communion des apôtres en lui donnant un format ogival qui en appuie le caractère médiéval, accentué encore par l’orle de l’inscription gothique qui la cerne. En élargissant le champ perspectif, en remaniant le dessin de la plupart des personnages et en éclaircissant considérablement sa palette, l’artiste subordonnait aussi l’intensité de la scène à sa lisibilité. Datée de 1862, la toile de Delaunay est la dernière oeuvre d’importance acquise pour le décor de la cathédrale. « elle le ponctue en point d’orgue d’une note grave et parfaitement tenue. »
Les douze apôtres sont toujours présents autour du Christ. Contrairement à ce qui est dit sur le site dédié à Delaunay, les apôtres ne regardent pas tous le Christ.
Dans cette seconde version seul un des apôtres tourne le dos à la scène. La composition est toujours en triangle et les plans successifs de la profondeur sont inscrits selon le nombre d’or. Les trois arcatures d’où se dessinent le paysage italien et un ciel du soir ne sont plus que deux. Un rideau vert occulte l’arcature de gauche. La lumière vient du devant en haut à gauche de la scène, inondant davantage les figures et vêtements et éclairant l’ensemble du tableau.
LE TEXTE
• Le titre est écrit en lettres gothiques, sous la scène historiée (bandeau horizontal). La première lettre est une lettrine enluminée. Les lettres sont dorées et cernées de noir. Le fond est vert, puis un ornement végétal rouge cerné d’or (branches et feuilles de houx) parcours le fond.
Il est écrit :
Hoc est enim corpus meum
Traduction : ceci est mon corps
• Le bandeau encadrant la scène reprend les termes de la Sainte Communion autour du pain et du corps du Christ.
» Benedixit » fregit » dedit que » discipulis » suis » dicens
» accipite » et » manducate » ex » hoc » omnes »
« benedixit fregit dedit discipulis suis dicens: Accipite et manducate ex hoc omnes »
Texte tiré du « Sacramentarium Gregorianum » (Gregorius Magnus ca. 540 – 604)
BIBLIOTHECA AUGUSTANA
Traduction : Il bénit, le rompit et le donna à ses disciples en disant, Prenez ceci, et mangez en tous.
ÉTUDE HISTORIQUE
L’analyse optique nous confirme une restauration récente fin du XXe siècle avec retouches ponctuelles des dégradations (pertes de matières au niveau des traverses de châssis et sur la partie senestre liées aux mouvements de la toile.)
Le rideau vert est d’une facture différente et plus maladroite que le reste. La montagne bleutée et l’auréole sont retravaillées un peu plus grossièrement. Ces points particuliers n’apparaissent cependant pas comme des retouches ou repeints sous lumière fluorescente UV.
Ce même rideau vert laisse apparaître en transparence un autre rideau vert, pendant de l’arcature de droite. On peut distinguer une montagne et un arbre comme dans la composition opposée. Le vert est en réchampi du personnage debout à gauche.
Le drapé bleu entre l’apôtre à genou et le Christ est d’une couleur assez proche de celle de la robe du personnage debout à gauche. Cependant, en lumière infrarouge ils apparaissent très différents. L’un est très foncé, l’autre très clair. De plus, le dessin des drapés est très différent entre les 2 clichés. L’analyse de la stratigraphie de la peinture confirme qu’il n’y a pas de vernis intermédiaire entre le rideau vert et ce qui serait la peinture d’origine.
Cependant, nous pensons qu’un repeint ou une « correction » ait pu être effectué peu de temps après l’achèvement de la peinture dans l’atelier de Delaunay à Paris. Si cette modification a été réalisée dans l’atelier de Delaunay, la qualité de la facture nous laisse penser qu’elle n’est pas de la main de l’artiste. Ce qui n’est pas cohérent dans la présence de ce rideau vert et dans le drapé bleu un peu plus bas, c’est qu’ils tendent à obscurcir le tableau alors que la commande première était un tableau plus lumineux que la première version refusée.
(ci-dessus : image de simulation d’un état possible à l’origine.©L.Loreau)